Des arbres. Faméliques. Malsains. Hostiles. Morts. Endormis. Puants. Boueux. Bonjour.
     Politesse inutile. Je la chasse. Splash. La boue, poisseuse. Malodorante. Ah ? Tu crois ? Moi je ne sens rien. La couleur vert/argile se mélange à mon pelage gris poussière. Gris terne. Comme tout. Le bruit de succion à chacun de mes pas me tient compagnie. Quelle idée stupide. Je ne veux pas de toi. Il reste. Grand bien te fasse. Je l'ignore.
     Plusieurs fois, je me sens partir. Gravité. Je m'effondre entre quelques racines noueuses. La gueule droit dans l'eau croupie. Avec des gestes démesurément lents, je me relève. Crache de la boue. Ma langue garde le mauvais goût. Elle devient pâteuse. Mes pattes aussi. Tout mon corps. Puant. Traînant. Me suivant partout. Où que j'aille. Saleté.
     Je glisse. A nouveau, la truffe dans l'humidité. Je prends l'habitude. Je suis trempée, froide. Je crois. Ça n'a aucune importance. J'aime bien ici. C'est mort, calme. Morbide. Oui. Silencieux, sauf moi. Tant pis. Je me laisserai bien tranquille. La ferme. Bruyante. Soûlante. Agaçante. Où es-tu ? Tu t'es encore cachée dans la brume ? Sois maudite. Ombre. Regarde, l'endroit me convient. Je reste. Fais comme tu veux, je m'en fiche. J'avance dans l'éternité. Tout semble à jamais figé, ici. Enfin. En fin. Fin. Point. Voilà. C'est bien ici. Bien.
     Ils se taisent, tous. Voilà. Ils vont m'aspirer. Je ne ferai qu'un avec le décor. Avec eux. Je disparaîtrai dans le gris de la boue, dans l'écho du silence. Oui, oui. Je veux. Prenez-moi. Tuez ce corps. Vous m'entendez ? Non. Vous êtes déjà figés. Déjà inaptes. Déjà morts. Je vous hais. Je vous hais. Maudissez-moi. Au moins. Allez au diable. Brûlez. Souffrez de la chaleur qui détruit tout. Soyez maudits.
     Pattes. Engourdies. Faibles. Tous des traîtres. Traîtres ? C'est stupide. Je ne leur ai jamais fait confiance. Ils ne peuvent être traîtres. Tais-toi, tu m'agaces. Splash. Spprrlash. Tombée. Collée. Au sol. Alors, qu'attends-tu. Aspires-moi dans le néant. Détruits ma flamme. Boue inutile. Elle n'obéit pas. Elle ne me relâche pas non plus. Je m'agite, rien. Lâche-moi. Toujours rien. Lâche-MOI ! Rien. J'attends. Elle finira par m'emporter. Oui, dans ce froid puant la mort. Tu finiras par assouvir ma volonté. Alors elle me libère. Hmm. Lâche. Comme moi. Tu me ressembles, vile création. Disparais.
    Avance. A grand peine je marche. Tout est noir et blanc. Noir et gris. Gris et blanc. Gris sombre. Gris clair. Gris anéanti. C'est ça. Gris mort. La pluie grise a délavé la boue grise. Plus de lumière. Plus d'ombre. Le temps figé, le temps d'une explosion. Je n'avance plus. Je ne sais pas depuis quand. Je ne sais plus.
    L'explosion. Celle qui un jour éclata le monde, balaya les restes. Celle qui gronde en moi. Trop bruyante. Je tremble. Non. Non. La ferme. Va-t'en, sors de moi. Non, NON, ne sors pas ! Tais-toi, disparais. Disparais disparais disparais. Les arbres tremblent. Le sol tremble. Non, c'est moi. Je crois. Je fais un pas. Je pense. Je dois bouger. Mes membres sont coincés dans la glace. Fausse glace. Un arbre. Semblable aux milliers d'autres. Je m'écroule, et me blottis tout contre. Mal, mal. La lumière grise du ciel me brûle les rétines tout à coup. Je ferme les yeux. Le vide, le néant. Tant mieux.
    Splash, splash, splash. Il me semble pourtant m'être arrêtée. La Terre ne tremble plus. Splash, splash. Quoi ? Quoi ? Ça fait mal aux oreilles, ferme-la, insupportable bruit ! Splash, splash, SPLASH. Je ferme les yeux plus fort. Peut-être que le néant m'emportera ainsi.
    Peut-être. Splash.